Comptes utilisateur, AJAX, Server push (Node+Express)

Dans ce TD nous allons inclure le jeu de Puissance 4 que nous avons développé précédemment dans une application multi-utilisateurs, permettant de jouer des parties avec des adversaires distants. Nous allons nous servir de la base de données MySQL fournie par Cloud 9 pour le stockage des données côté serveur, et du système de sessions de Silex pour garder l’état de la connexion.

Pour réaliser une interface fluide et responsive, l’utilisation de AJAX s’impose. Mais, dans une application web de ce type, il n’est pas suffisant d’avoir des requêtes asynchrones : il est aussi nécessaire d’avoir des événements asynchrones générés par le serveur. Nous allons utiliser deux techniques pour cela :

Les références pour ce TD sont :

Préparer son espace de travail

Comme d’habitude, on va partir d’un clone de https://github.com/defeo/aws-project. Commencez par démarrer le serveur MySQL en tapant la commande

mysql-ctl start

Vous pouvez arrêter à tout moment le serveur MySQL avec

mysql-ctl stop

et le relancer avec

mysql-ctl restart

Si vous n’arrêtez pas le serveur à la fin de la session, il sera encore actif lors de votre prochaine connexion à l’espace de travail.

Si vous êtes à l’aise avec la gestion d’une base MySQL par la ligne de commande, l’utilitaire mysql est déjà installé dans Cloud9. Alternativement, l’interface d’administration de bases de données PHPMyAdmin est également disponible. Installez-la avec la commande

phpmyadmin-ctl install

Elle sera accessible à l’adresse

https://....c9users.io/phpmyadmin

Le nom d’utilisateur est votre identifiant Cloud9 (tronqué à 16 caractères), votre mot de passe est vide. Une base de données nommée c9 a été automatiquement créé pour vous. Vous pouvez l’utiliser pour vos applications, ou vous pouvez créer d’autres bases de données.

Pour arrêter PHPMyAdmin, tapez

sudo service apache2 stop

Note: PHPMyAdmin est exécuté par le même serveur Apache qui exécute les applications PHP, et qui écoute sur le port 8080. Pour cette raison, vous ne pouvez faire tourner en même temps PHPMyAdmin et une application Node.js. Pensez donc à arrêter PHPMyAdmin avant de lancer vos applications Node.

Pour lancer à nouveau PHPMyAdmin, arrêtez votre serveur Node.js, et lancez à nouveau le serveur Apache, soit en exécutant n’importe quelle application PHP (par exemple, example.php). Pour faciliter le lancement de PHPMyAdmin, vous pouvez créer une run configuration : menu « Run → Run configurations → New run configuration », puis sélectionnez « Runner: Apache httpd » et donnez un nom à la configuration. À partir de maintenant, cette configuration sera disponible avec un clic droit sur le bouton « Run », depuis n’importe quel fichier.

Alternativement, Cloud9 supporte une autre technique, à la mise en place assez simple, permettant de faire tourner un serveur Node en même temps qu’un serveur Apache.

  1. Connectez-vous à PHPMyAdmin. Dans le database c9 (ou dans un nouveau database), créez une table nommée users. La table doit contenir les champs suivants :

    • login : type varchar(255), clef primaire,
    • pass : type varchar(255) NOT NULL,
    • couleur1 : type varchar(255),
    • couleur2 : type varchar(255),
    • parties : type int, non signé,
    • gagnees : type int, non signé.
  2. Ajoutez deux utilisateurs à la table, avec les valeurs que vous voudrez.

Nous sommes maintenant prêts à étendre notre jeu de Puissace 4. Chacune des sections qui suivent est consacrée à une page de l’application (une vue, en jargon).

Le point d’entrée de l’application va être un fichier app.js. Vous êtes cependant libres de distribuer votre logique sur plusieurs fichiers, importés dans app.js avec la directive require (voir la doc de Node.js sur les modules).

Liste des utilisateurs

Commencez par installer le module mysql avec la commande

npm install mysql

Cette vue est la plus simple : elle permet d’afficher la liste de tous les utilisateurs. On rappelle que, avant de pouvoir accéder à la base de données, il est nécessaire de configurer le module mysql. Le code suivant permet de configurer votre application avec les paramètres de C9.

var mysql = require('mysql');
var db    = mysql.createConnection({
  host     : process.env.IP,  // pas touche à ça : spécifique pour C9 !
  user     : process.env.C9_USER.substr(0,16),  // laissez comme ça
  password : '',
  database : 'c9'  // mettez ici le nom de la base de données
});

Ensuite le DBAL sera accessible via l’objet db.

  1. Dans app.js ajoutez une route pour l’URL /userlist. Elle doit récupérer l’ensemble des lignes de la table users, et en afficher les colonnes login, parties, gagnees et couleur1 sous forme de tableau HTML. On rappelle que le résultat de la requête est passé à la callback de la méthode query.

  2. Remplacez le texte de la case correspondante à couleur1 par un rectangle coloré de cette même couleur. Si la couleur vaut NULL, utilisez une couleur par défaut. Le résultat pourrait ressembler à cela.

    Joueur Parties Gagnées Couleur préférée
    Kasparov 10 3
    Karpov 100 99

    Suggestion : pour le rectangle coloré, vous pouvez utiliser un <span> avec une hauteur et une largeur fixes et la propriété display: inline-block.

Création des utilisateurs

Nous passons maintenant à une vue qui permet d’ajouter des utilisateurs à la table. Ceci va nous permettre de nous familiariser avec des fonctionnalités avancées de la DBAL.

  1. Ajoutez une route de type GET pour l’URL /signup. Elle doit présenter un formulaire d’enregistrement permettant de renseigner un login, un mot de passe, une couleur préférée et une couleur secondaire. Le formulaire doit utiliser la méthode POST et renvoyer sur cette même URL (laisser le champs action vide suffit).

  2. Modifiez la route /signup pour accepter aussi des requêtes de type POST (rappel : utiliser app.all()). Vous pouvez tester le type de la requête avec req.method.

    Lorsque la requête est de type POST, récupérez les valeurs du formulaire et insérez une nouvelle ligne dans la table users, seulement si le login et le mot de passe ne sont pas vides (un champ vide dans un formulaire est traduit en la chaîne vide '' par Node). Les colonnes parties et gagnees doivent démarrer à zéro.

    Pour réaliser une insertion on utilise la méthode query comme pour toute autre requête

    db.query('INSERT INTO users VALUES (?, ?, ...)', [...],
             function(err, result) {
                 ...
             });
    

    Si l’insertion réussit, le paramètre result contient des informations sur la requête (nombre de lignes insérés, etc., vous pouvez l’examiner avec console.log), et err vaut false. Si l’insertion échoue, err contient un objet décrivant l’erreur, alors que result est undefined.

    • Si l’insertion de l’utilisateur a réussi, rédirigez vers l’URL /userlist (avec res.redirect).
    • Si l’insertion a raté, présentez à nouveau le formulaire, avec un message d’erreur. Ne faites pas de redirection dans ce cas ; un template vous permettra d’afficher le message d’erreur seulement si nécessaire.

    Testez et observez les échanges de requêtes avec l’outil « Réseau » de votre browser.

  3. Tester uniquement result ne donne pas assez d’information. Essayez, par exemple, d’insérer un utilisateur qui existe déjà, et observez les valeurs de err et result (dans la console).

    Repérez le code d’erreur MySQL qui correspond à un login dupliqué. Faites en sorte que votre gestionnaire affiche un message d’erreur significatif lorsque l’utilisateur demande un login déjà existant.

Connexion

Maintenant nous pouvons passer à l’authentification. Puisqu’il s’agit du point d’entrée de l’application, elle sera servie à l’URL /. Après une connexion réussie, l’utilisateur sera redirigé vers /userlist.

À ce stade il devient nécessaire de garder chez le serveur l’information que l’utilisateur s’est correctement identifié : en effet, on veut que le mot de passe soit saisi une seule fois au début d’une session. C’est pourquoi entrent en jeu les sessions.

Comme déjà vu dans la leçon sur les sessions, avant de pouvoir utiliser les sessions il faut configurer l’application avec

var session = require('express-session');

app.use(session({
    secret: '12345',
    resave: false,
    saveUninitialized: false,
}));

Ensuite la session sera disponible dans l’objet req.session.

  1. Modifiez le gestionnaire de l’URL / pour qu’il affiche un formulaire similaire à celui ci

    Joueur : mot de passe :
  2. Comme pour l’URL /signup, le gestionnaire pour / se comportera différemment selon si la requête est de type GET ou POST. Dans le deuxième cas, il doit vérifier avec la BD que le couple login/password est correct, et, en cas affirmatif,

    • Stocker dans la session le login de l’utilisateur, son score et ses couleurs préférées ;
    • Rédiriger vers /userlist.
  3. Modifier /userlist pour qu’il redirige sur / lorsque l’utilisateur n’est pas authentifié.

  4. Ajoutez une route /logout permettant de se déconnecter. Pour cela, il suffit de mettre une valeur spéciale dans la session (par exemple, le login du joueur à null). Lorsque les gestionnaires détecteront cette valeur spéciale, il traiteront la requête comme si le client ne s’était jamais identifié.

  5. Ajoutez un lien vers /logout dans la vue /userlist.

Utilisateurs en ligne

Contrairement à PHP et à d’autres langages exécutés par un serveur web (CGI), Node.js est un serveur indépendant. Ceci implique que la mémoire globale d’une application Node est partagée par toutes les requêtes, ce qui fournit un mécanisme autre que les sessions pour le stockage de valeurs entre une requête et une autre.

Contrairement aux sessions, ce stockage ne sera pas attaché à un seul client, mais à toute l’application. Le modèle mono-thread à boucle d’évènements de Node.js garantit qu’il n’y aura pas de race conditions lorsque deux gestionnaires de requête veulent accéder à la même zone de mémoire.

Nous allons utiliser cette spécificité de Node pour garder en mémoire une liste des utilisateurs connectés. Cette information sera ensuite transmise aux clients via AJAX.

  1. Dans votre application, créez une variable globale (en dehors de tout gestionnaire) connectes, de type objet :

    var connectes = {};
    
  2. Modifiez les gestionnaires de / et /logout pour qu’ils mettent à jour la variable connectes lorsque un utilisateur se connecte ou se déconnecte. Utilisez les logins des utilisateurs comme clefs, et des objets contenant l’heure de connexion comme valeurs :

    connectes['toto'] = { time: new Date() });
    

    On rappelle qu’on peut éliminer une clef d’un objet JavaScript avec le mot clef delete :

    delete connectes['toto'];
    // ou aussi : delete connectes.toto
    
  3. Modifiez le gestionnaire de /userlist pour qu’il affiche uniquement les utilisateurs connectés.

    On rappelle qu’on peut tester la présence d’une clef dans un objet JavaScript avec le mot clef in :

    'toto' in connectes
    

Testez votre application avec plusieurs browsers (au moins deux, il est aussi possible d’utiliser le mode navigation privée de Firefox ou Chrome pour avoir plusieurs fenêtres avec des sessions différentes) ; vérifiez que la liste des utilisateurs correspond bien aux utilisateurs connectés.

Mise à jour dynamique de la liste des utilisateurs

Il est maintenant temps de faire entrer AJAX dans notre application. Nous allons nous en servir pour mettre à jour dynamiquement la liste des utilisateurs.

  1. Créez un gestionnaire pour l’URL /api/userlist. Il doit récupérer la liste des utilisateurs connectés de la base de données, et l’envoyer au format JSON. Pour cela vous pouvez utiliser la méthode res.json qui prend en paramètre un objet JavaScript et qui crée une réponse JSON à partir de celui-ci. Par exemple, le gestionnaire

    app.get('/api/fruits', function(req, res) {
      var data = { fruits: ['banana', 'apple'],
                   how_many: 2,
                   random_stuff: Math.random()
                 };
      res.json(data);
    });
    

    renvoie une réponse JSON similaire à

    {
      "fruits": ["banana", "apple"],
      "how_many": 2,
      "random_stuff": 0.5873763888835787
    }
    

    Testez le gestionnaire avec le browser. Analysez les entêtes HTTP envoyées par le serveur, en particulier le Content-Type avec les dev tools.

  2. Ajoutez dans la page /userlist un bouton « Mettre à jour ». Lorsque le bouton est cliqué, une requête AJAX est envoyée vers /api/urserlist. Lorsque la réponse est reçue, le tableau des utilisateurs en ligne est mis à jour avec le contenu de la réponse JSON.

    Puisque vous vous attendez à une réponse au format JSON, vous pouvez initialiser l’objet XMLHttpRequest avec xhr.responseType = 'json'. Dans l’exemple précédent, le code

    xhr.responseType = 'json';
    xhr.onload = function() {
      for (var i = 0; i < xhr.response.fruits.length; i++) {
        console.log(xhr.response.fruits[i]);
      }
    }
    

    Écrit dans la console

    banana
    apple
    
  3. Remplacer le bouton « Mettre à jour » avec une minuterie qui met à jour la liste toutes les 2 secondes (utiliser la fonction setInterval).

Vous avez maintenant une application simulant le server push avec du short polling.

Du short polling à EventSource

Comme annoncé, nous allons utiliser l’API EventSource pour réaliser le server push. Dans cette section nous allons voir comment remplacer les requêtes AJAX de la section précédente par cette API.

On rappelle le fonctionnement de EventSource. Il s’agit d’une connexion persistante entre le client et le serveur, sur laquelle le serveur émet des données textuelles à tout moment. Dans la suite on va appeler event source le gestionnaire de la connexion du côté serveur ; il sera attaché à une URL par le router, comme un quelconque gestionnaire. L’API EventSource permet au client de déclencher un événement JavaScript à chaque fois que des nouvelles données sont envoyées par le serveur.

Une réponse HTTP typique d’une event source simple ressemble à cela :

HTTP/1.1 200 OK
Cache-Control: no-cache
Content-Type: text/event-stream
X-Powered-By: Express
transfer-encoding: chunked
Connection: keep-alive

data: Un message 

data: Un deuxième message

data: Un message plus long
data: sur plusieurs lignes

On voit que les messages sont précédés par le mot clef data: et terminés par un double retour à la ligne (voir le cours pour plus de possibilités).

Du côté client, c’est très simple d’initialiser une connexion de ce type : il suffit de créer un objet de type EventSource en lui passant l’URL de l’event source.

var evt = new EventSource('/api/notifications');

Pour réagir aux messages du serveur, il suffit d’enregistrer un gestionnaire d’événements, comme ceci :

evt.addEventListener('message', function(e) {
  console.log(e.data);
});

Le corps du message est disponible dans le champ .data de l’objet de type Event.

Du côté serveur, cela ne prend que quelques lignes de Node.js pour créer une event source. Voici un exemple qui écrit l’heure courante toutes les secondes.

app.get('/my-event-source', function(req, res) {
  // On initialise les entêtes HTTP
  res.set({
    'Content-Type': 'text/event-stream',
    'Cache-Control': 'no-cache',
    'Connection': 'keep-alive'
  });
  // On envoye les entêtes
  res.writeHead(200);

  // Toutes les secondes, on envoie l'heure.
  // On garde une référence au timer pour pouvoir l'arrêter.
  var timer = setInterval(function() {
    var date = Date();
	console.log(date);
	res.write('data: ' + date + '\n\n');
  }, 1000);
  
  // Lorsque le client ferme la connexion, on arrête le timer
  // (pour éviter d'encombrer la mémoire de l'application)
  req.on('close', function() {
    clearInterval(timer);
  });
});
  1. Transformez le gestionnaire /api/userlist en un event source. Toutes les 2 secondes, il écrit sur sa sortie la liste des utilisateurs au format JSON.

    Note : Vous ne pouvez plus utiliser res.json pour écrire les données, car cela fermerait la connexion. À la place, vous pouvez utiliser la fonction JSON.stringify() qui transforme un objet JavaScript en une chaîne de caractères au format JSON.

  2. Modifiez la page /userlist pour utiliser EventSource à la place du short polling. Pour transformer les messages du serveur en des données JavaScript, vous pouvez utiliser la fonction JSON.parse.

Utiliser les événements dans Node.js

À ce stade, notre application ne fait plus du short polling par le client, mais elle reste très inefficace : le polling a été déplacé dans le serveur, ce qui ne diminue que marginalement le surcoût de communication.

Heureusement, le noyau de Node.js est basé sur les événements. Ceci nous permet de n’écrire sur la sortie du event source que lorsque il est nécessaire : à chaque login ou logout.

L’objet qui permet de générer des événements en Node.js est events.EventEmitter. Comme le nom l’indique, un EventEmitter est un objet capable d’émettre des événements : on peut lui attacher autant de gestionnaires d’événements que l’on souhaite, ceux-ci seront exécutés à chaque fois que le EventEmitter émet un événement.

On crée un objet de type EventEmitter par un new, comme tout autre objet. Ses deux méthodes principales sont .emit() qui permet d’émettre un événement, .on() qui permet d’ajouter un gestionnaire d’événements, et .removeListener() qui permet d’en supprimer un.

Dans l’exemple qui suit, on émet un événement de type 'pinged' à chaque fois que l’URL /ping est visitée. Un gestionnaires très simple est attachés à l’événement, et d’autres gestionnaires peuvent être ajoutés par la route /logger/....

var evt = require('events');

// On crée l'émetteur d'événements
var an_emitter = new evt.EventEmitter();

// On attache un gestionnaire d'événements très simple
an_emitter.on('pinged', function() {
  console.log('pinged');
});

app.get('/ping', function(req, res) {
  // On émet un événement 'pinged'
  an_emitter.emit('pinged');
  res.send('Ping envoyé');
});

// On ajoute un gestionnaire de plus pour
// l'événement 'pinged'.
app.get('/logger/:id', function(req, res) {
  an_emitter.on('pinged', function() {
    // remarquez l'utilisation d'une clôture pour
	// accéder au paramètre `req` de la portée externe.
    console.log(req.params.id + ': pinged');
  });
  res.send(200);
});
  1. Testez ce code en visitant les urls /ping et /logger/....

  2. Créez un EventEmitter global pour votre application, qui va émettre des événements à chaque fois qu’un utilisateur se connecte ou se déconnecte.

    Modifiez les gestionnaires de / et /logout pour émettre un événement lorsque un utilisateur s’est connecté ou déconnecté avec succès.

  3. Modifiez l’event source à l’URL /api/userlist. Il ne doit écrire sur sa sortie que lorsque le EventEmitter émet un événement de login ou de logout.

Bravo, vous avez réussi à écrire votre première application web totalement asynchrone. Ceci a été rendu possible par la technologie EventSource, très simple à mettre en place, mais pas encore supportée par tous les navigateurs (notamment les navigateurs Microsoft). Dans la suite nous allons passer à une technologie beaucoup plus populaire pour réaliser une communication complètement asynchrone régie par les évènements.

Jouer une partie avec les Web Sockets

Enfin nous arrivons à la partie de Puissance 4 à proprement parler. Pour mettre en place la communication entre le serveur et les clients, on pourrait continuer à utiliser du AJAX en conjonction avec EventSource, comme nous l’avons fait jusqu’ici, mais ceci se révèle souvent peu élégant et difficile à coder. À la place nous allons utiliser la technologie des Web Sockets, qui, grâce à son canal bi-directionnel, nous permet de maîtriser aisément des applications parallèles complexes.

Nous commençons par définir le protocole par lequel les joueurs vont s’inviter à participer à une partie. Chaque joueur aura l’un de ces quatre statuts :

Les joueurs peuvent s’envoyer les signaux suivants :

Voici un tableau qui résume ces messages.

message expéditeur (avant) destinataire (avant) expéditeur (après) destinataire (après)
invite LIBRE LIBRE EN ATTENTE INVITÉ
accepte EN ATTENTE INVITÉ EN JEU EN JEU
refuse EN ATTENTE INVITÉ LIBRE LIBRE
quitte EN JEU EN JEU LIBRE LIBRE

Toute autre interaction est interdite et donnera lieu à une erreur. Nous sommes ici confrontés à un problème classique de programmation concurrente : comment éviter les race conditions, c’est à dire les cas où des messages envoyés à des intervalles très courts se chevauchent ? Par exemple, que se passe-t-il si deux joueurs s’invitent mutuellement en même temps ? Qui devient INVITÉ, qui EN ATTENTE ?

Ces problèmes de programmation concurrente sont notamment difficiles à résoudre, mais nous avons ici un serveur Node.js qui s’exécute dans un seul thread, sans aucun parallélisme. Par conséquent, nous allons garder tout l’état de l’application dans le serveur ; à chaque fois que l’état interne du serveur change, celui-ci notifiera les clients concernés en leur transmettant l’intégralité de leur état. Si cette technique n’est pas aussi économe en bande passante qu’on pourrait l’espérer, elle a l’avantage d’être simple à coder et de minimiser les risques de race conditions.

Passons à la mise en œuvre. Pour pouvoir utiliser les Web Socket dans Node.js, vous devez installer un module adapté. Nous allons utiliser le module ws, tapez dans une console

npm install ws

Maintenant, pour intégrer le serveur des Web Sockets avec Express et express-session, modifiez votre application ainsi :

var http = require('http');
var ws = require('ws');
var express = require('express');
var session = require('express-session');
// etc...

var app = express();
var sess_storage = session({ 
    secret: "12345",
    resave: false,
    saveUninitialized: false,
});
app.use(sess_storage);

// Ici le reste de votre configuration Express, et vos routes
// ...

// On attache le serveur Web Socket au même serveur qu'Express
var server = http.createServer(app);
var wsserver = new ws.Server({ 
    server: server,
    // Ceci permet d'importer la session dans le serveur WS, qui
    // la mettra à disposition dans wsconn.upgradeReq.session, voir
    // https://github.com/websockets/ws/blob/master/examples/express-session-parse/index.js
    verifyClient: function(info, next) {
        sess_storage(info.req, {}, function(err) {
            if (err) {
                next(false, 500, "Error: " + err);
            } else {
                // Passer false pour refuser la connexion WS
                next(true);
            }
        });
    },
});

// On définit la logique de la partie Web Socket
wsserver.on('connection', function(wsconn) {
    console.log('WS connection by', wsconn.upgradeReq.session);
    wsconn.send('Hello world!');
	wsconn.on('message', function(data) {
		console.log(data);
	});
	// ...
});

// On lance le serveur HTTP/Web Socket
server.listen(process.env.PORT);

Du côté client, l’utilisation dans le navigateur est très simple :

var ws = new WebSocket('wss://' + window.location.host)

ws.addEventListener('open', function(e) {
	ws.send('Hi world!');
	ws.addEventListener('message', function(e) {
		console.log(e.data);
	});
});

Note : le schéma wss: indique les Web Sockets chiffrés par TLS ; utilisez ce schéma en conjonction avec HTTPS dans Cloud 9. Si vous développez en local, vous n’aurez pas de serveur HTTPS, vous utiliserez, alors, le schéma ws://.

On commence par le serveur.

  1. Modifiez le gestionnaire de / pour qu’il stocke dans le dictionnaire connectes, à côté de l’heure de connexion, le statut de l’utilisateur ('LIBRE' par défaut), son adversaire courant (null par défaut), et les autres informations utiles (couleurs, scores, …).

  2. Codez la logique du gestionnaire .on('message', ...) du serveur Web Socket. Il s’attend à recevoir quatre types de messages : 'invite', 'accepte', 'refuse', 'quitte'. Vous coderez ces messages au format JSON (utilisez JSON.stringify et JSON.parse) ; seul le message invite est accompagné de l’identifiant de l’utilisateur à inviter.

    Référez-vous au tableau plus haut pour décider en quelles occasion les messages sont acceptés ou rejetés. Par exemple les message 'invite' n’est accepté que lorsque l’utilisateur qui envoie le message et l’utilisateur invité sont tous les deux 'LIBRE'. Leurs statuts sont alors modifiés, respectivement, en 'EN ATTENTE' et 'INVITE'.

    Mettez à jour les champs adversaire dans le dictionnaire connectes en conséquence : en cas d’invitation, le champ adversaire de chaque joueur pointe sur l’autre ; en cas de refus ou d’abandon les deux valent null.

  3. Pour chacun de ces messages, après l’avoir traité, notifiez les deux utilisateurs avec un message contenant l’intégralité de son état : statut, couleurs, scores, adversaire, …

On passe maintenant au client.

  1. Modifiez l’affichage de /userlist en ajoutant à côté de chaque joueur connecté un bouton “inviter”. Ouvrez une connexion Web Socket vers le serveur au chargement de la page.

  2. Attachez un gestionnaire JavaScript aux clics des boutons, qui va envoyer un message de type 'invite' pour le joueur choisi.

  3. Codez le gestionnaire .addEventListener('message', ...) du Web Socket : à chaque fois qu’une mise à jour de l’état est reçue sur la connexion, l’interface utilisateur est mise à jour :

    • Si le joueur est 'LIBRE', on affiche la liste des joueurs connectés, avec les boutons pour les invitations ;
    • Si 'EN ATTENTE', tous les boutons d’invitation sont désactivés, et un message est affiché ;
    • Si 'INVITE', tous les boutons d’invitation sont désactivés, et un message demandant si l’utilisateur accepte l’invitation ou pas est affiché ; en fonction du choix de l’utilisateur, un message de type accepte ou refuse est envoyé au serveur ;
    • Si 'EN JEU' la liste des joueurs est cachés, et l’interface de jeu de Puissance 4 est dévoilée.

La partie

Nous arrivons à dernière partie de notre application : le jeu. Les indications vont devenir plus sommaires pour vous permettre d’explorer en détail les Web Sockets.

  1. Modifiez le plateau de jeu pour qu’il affiche les noms des deux joueurs participant à la partie, et qu’il utilise leurs couleurs préférées pour représenter les pions.

    En plus, la page doit afficher à quel joueur c’est le tour de jouer. Normalement, c’est le joueur invité qui commence.

  2. Modifiez votre jeu de Puissance 4. Lorsque le joueur clique sur une case, elle exécute l’une de ces deux actions :

    • Si c’est le tour du joueur et le coup est valide, un message est envoyée sur le Web Socket, avec les coordonnées du coup joué. Le serveur répond avec l’état du plateau mis à jour, l’interface est mise à jour en conséquence, et le tour passe à l’adversaire.
    • Sinon, elle affiche un message d’erreur (pas besoin de contacter le serveur).
  3. Codez la logique du serveur qui répond à ce message :

    • Elle met à jour la représentation du plateau sur le serveur ;
    • Elle met à jour le tour ;
    • Elle envoie un message aux deux clients contenant le nouvel état du plateau.
  4. Les vérifications de fin de partie ne peuvent pas être la responsabilité de l’un ou de l’autre joueur. Ce doit être le serveur qui vérifie après chaque coup si la partie est terminée, et notifie les joueurs en conséquence.

    Récrivez la logique qui teste la fin de la partie du côté serveur.

  5. Donnez aux joueurs la possibilité d’abandonner une partie. Dans ce cas, un message de type quitte est envoyé au serveur, et l’adversaire gagne la partie.

  6. Lorsque une partie est terminée (par victoire, match nul, ou abandon) mettre à jour les champs parties et gagnees des utilisateurs, remettre leur statut à 'LIBRE', et mettre à jour l’affichage.

Vérifiez que la logique de l’application fonctionne correctement : chaque utilisateur peut jouer uniquement à son tour, aucun utilisateur peut se trouver dans un état inconsistant, l’état des plateaux affichés aux joueurs correspond à l’état du plateau dans la base de données.

Pour aller plus loin (optionnel)

On donne ici quelques idées pour développer davantage votre application. Rien n’est obligatoire, mais cela vous permettra d’approfondir votre connaissance des applications web.

  1. Dans /signup, demandez deux fois le mot de passe, et inscrivez le nouveau joueur seulement si les mots de passe coïncident.

  2. Implantez une gestion des mots de passe sécurisée: une mesure de sécurité souvent appliquée consiste à ne jamais stocker les mots de passe en clair dans la base de données. À la place, on stocke le haché (par exemple le SHA256) de la concaténation du mot de passe et d’une graine aléatoire propre à l’application.

    Tout le calcul doit se faire côté serveur. En effet, premièrement la graine ne doit être connue que par le serveur, deuxièmement, si c’est le client qui fait le calcul, le haché devient effectivement le mot de passe à la place de l’original.

    De cette façon, même l’administrateur ne peut pas connaître les mots de passe d’origine. En cas d’oubli du mot de passe, la seule solution est de ré-initialiser l’utilisateur. Un méprise de ce principe est à la base du fameux leak de 150M de mots de passe de Adobe en 2013 : http://zed0.co.uk/crossword/.

    C’est en général une mauvaise idée de vouloir implanter ce système soi même dans une application : il y a beaucoup de pièges dans lesquels il est facile de tomber. Il vaut mieux utiliser les solutions déjà faites, prévues par le langage ou le framework. Voir par exemple la documentation de PHP sur le sujet ou le module bcrypt pour Node.js

  3. Dans la page d’accueil, faites en sorte que les identifiants des joueurs soient auto-complétés. Voir https://developer.mozilla.org/docs/Web/HTML/Element/datalist.

  4. Enrichissez les données sur les utilisateurs. Au minimum, cela pourrait se limiter au nom et prénom des joueurs. Vous pouvez pousser cela jusqu’à avoir un profil d’utilisateur complet de photos, etc.

  5. Gérez correctement le fait qu’un utilisateur est allé hors ligne (événement close des Web Sockets). Essayez de rétablir une connexion, ou notifiez son adversaire si cela ne réussit pas.

  6. Enrichissez les types de signaux : permettez à un joueur d’inviter plusieurs autres joueurs, d’annuler une invitation, etc.

  7. Permettez à un utilisateur de jouer plusieurs parties en même temps contre des adversaires différents.

  8. L’utilisation de variables globales est pratique pour des simples applications mono-thread. Mais Node.js n’est pas uniquement destiné aux petites applications web : son noyau supporte du multi-processing et du load balancing, permettant de distribuer une application web sur plusieurs cores (voir le module Cluster de Node.js).

    Dans un environnement multi-process, la mémoire globale n’est pas partagée avec les autres processus, il devient donc impossible d’utiliser les variables globales pour maintenir l’état. Il est alors nécessaire d’utiliser une base de données externe pour stocker l’état, avec en plus des garanties d’atomicité (transactions).

    On pourrait, bien sûr, utiliser la base MySQL, comme cela est fait dans le TD en Silex. Cependant il est souvent plus simple et efficace d’utiliser un système NoSQL en mémoire vive, comme par exemple Redis. De plus le système pub/sub de Redis est parfaitement adapté au modèle à événements de Node.js et au server push.

    Remplacez les variables globales par des objets stockés dans une base Redis. Il vous faudra lire et comprendre les manuels de Redis.

    Pour installer et démarrer Redis dans C9, il faut exécuter dans la console

    nada-nix install redis
    npm install redis
    redis-server --port 16379 --bind $IP
    

    Lisez la documentation du module node_redis pour apprendre à vous servir de Redis dans Node.js.

    Le tutoriel sur l’utilisation de EventSource avec Node.js est une excellente introduction à l’utilisation du pub/sub de Redis dans une application asynchrone.

  9. Pourquoi ne pas mettre votre travail en ligne ? Heroku offre un plan d’hébergement gratuit pour applications en Node.js (une liste plus longue d’hébergeurs supportant Node.js est disponible ici). C’est la vitrine idéale pour montrer votre travail à un futur employeur.

    N’oubliez pas de mettre le code source sur GitHub… les employeurs adorent ça ! (Moi aussi, n’hésitez pas à m’envoyer un mail).

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