Algorithme de compression LZ78
L’algorithme de compression Lempel-Ziv '78, est l’un des tout premiers algorithmes de compression génériques. Il a vite été adopté dans des nombreux logiciels commerciales et libres, il est par exemple à la base du format ZIP. Il s’agit d’un algorithme basé sur un dictionnaire : les suites de symboles dans la source sont encodées par un dictionnaire dynamique, qui est compilé au fur et à mesure que l’on parcourt la source.
Le but de ce DM est d’implanter en Java les algorithmes de compression et décompression LZ78. Le codage LZ78 étant générique, votre programme va pouvoir s’appliquer non seulement à des fichiers de texte, mais aussi à tout autre type de fichiers (images, audio, etc.). Le facteur de compression sera meilleur pour des sources avec beaucoup de redondance : attendez-vous à une bonne compression pour des longs textes ou des images bitmap, mais à une plutôt mauvaise pour du jpeg ou du mp3.
Flux de bits
La lecture/écriture d’un fichier ASCII peut se faire aussi bien en
mode binaire (avec
FileInputStream
et
FileOutputStream
),
qu’en mode texte (avec
FileReader
et
FileWriter
). Allez
voir les derniers TDs et la page Entrées-Sorties
en Java pour l’usage de ces classes.
Au contraire, l’encodage de l’algorithme LZ78 est à longueur variable, et basé sur les bits. Il n’est donc pas commode de travailler avec des fichiers compressés en utilisant les classes par défaut de Java. Pour cela nous allons plutôt utiliser des classes permettant de lire ou écrire un flux de données bit par bit.
Un encapsuleur (wrapper en anglais) est une classe qui prend en
entrée de son constructeur un objet et qui en étend les
fonctionnalités. Des exemples classiques d’encapsuleurs en Java sont
BufferedReader
et
BufferedWriter
,
qui encapsulent respectivement FileReader
et FileWriter
, comme
dans l’exemple suivant.
BufferedReader in = new BufferedReader(new FileReader("in.txt"));
BufferedWriter out = new BufferedWriter(new FileWriter("out.txt"));
Pour lire les fichiers en mode bit à bit, vous pouvez utiliser la
classe InputBitStream
ci dessous. Elle encapsule un InputStream
en
le lisant octet par octet, mais offre une interface permettant de lire
un à la fois les bits de chaque octet.
import java.io.*;
public class InputBitStream {
InputStream stream;
int buf;
byte pos;
public InputBitStream(InputStream in) {
this.stream = in;
this.pos = -1;
}
public int readBit() throws IOException {
if (this.pos >= 0) {
return (this.buf >> pos--) & 1;
} else {
if ((this.buf = this.stream.read()) == -1) {
return -1;
} else {
this.pos = 6;
return (this.buf >> 7) & 1;
}
}
}
public void close() throws IOException {
this.stream.close();
}
}
Dans le même esprit, voici une classe OutputBitStream
qui encapsule
un OutputStream
.
import java.io.*;
public class OutputBitStream {
OutputStream stream;
byte buf;
byte pos;
public OutputBitStream(OutputStream in) {
this.stream = in;
this.buf = 0;
this.pos = 7;
}
public void writeBit(int bit) throws IOException {
this.buf |= bit << pos;
pos--;
if (this.pos < 0) {
this.stream.write(this.buf);
this.buf = 0;
this.pos = 7;
}
}
public void close() throws IOException {
if (this.pos < 7)
this.stream.write(this.buf);
this.stream.close();
}
}
Remarquez que la méthode .close()
de OutputBitStream
écrit tout le
contenu du tampon dans le OutputStream sous-jacent, en ajoutant assez
de bits 0 à la fin pour atteindre un un octet complet. Après une
close
, aucune autre écriture dans le flux n’est plus possible.
Remarquez que les deux classes arrangent les bits à l’intérieur d’un
octet avec une orientation Big Endian.
Algorithme LZ78
Un peu de terminologie pour commencer. Les algorithmes de compression par dictionnaire opèrent sur une source (par exemple, un fichier), qui est une suite (ou flux) de symboles appartenant à un alphabet d’entrée. Il produisent un sortie, suite de symboles d’un alphabet de sortie.
L’algorithme LZ78 opère sur des sources encodées par blocs de taille constante ; par exemple, un bloc par octet. L’alphabet d’entrée est donc constitué de tous les symboles représentables sur un bloc. Si on poursuit notre exemple, l’alphabet des symboles représentables sur un octet est constitué des valeurs entre 0 et 255. Un symbole de l’alphabet représentera donc, dans notre exemple, un symbole ASCII lorsque on encodera un fichier de texte, ou bien la profondeur d’une couleur (rouge, vert, bleu ou niveau de gris) lorsque on encodera une bitmap avec profondeur de 8 bits (mais remarquez que l’algorithme LZ78 lui même ne fait aucune différence entre ces deux formats : tout ce que l’algorithme voit ce sont des blocs de 8 bits).
L’alphabet de sortie de LZ78 est constitué de paires (préfixe, symbole), où préfixe est un entier et symbole est un symbole de l’alphabet d’entrée. Si le symbole est encodé exactement comme dans l’alphabet d’entrée, l’encodage du préfixe est à longueur variable, ce qui fait de LZ78 un encodage à longueur variable.
Le principe de LZ78 consiste à parcourir la source en apprenant les suites de symboles les plus fréquentes. Ces suites de symboles, appelées préfixes sont stockées dans un dictionnaire, construit au fur et à mesure que l’on parcourt la source. Plus des suites de symboles sont fréquentes, plus elles donneront lieu à des longs préfixes dans le dictionnaire.
Le dictionnaire grandit au fur et à mesure qu’on parcourt la source. Pour des sources très longues, cela peut devenir coûteux en mémoire et temps de recherche, c’est pourquoi souvent on fixe une taille maximale, au delà de laquelle on arrête d’y ajouter des symboles.
Dans ce DM nous allons implanter LZ78 avec des blocs de taille 1 octet, et sans limite sur la taille du dictionnaire.
Compression
Le dictionnaire va décrire une fonction qui envoie des suites de symboles de l’alphabet d’entrée (les préfixes) vers des entiers (le code du préfixe).
L’algorithme commence avec un dictionnaire vide. Il est plus confortable de noter cela avec un préfixe spécial, le préfixe vide ε.
ε : 0
L’algorithme parcourt la source en gardant trace des préfixes rencontrés à chaque étape. Lorsqu’il trouve un préfixe qui n’est pas déjà dans le dictionnaire, il crée un nouveau préfixe, il lui donne le premier code non encore utilisé et le rentre dans le dictionnaire.
Lorsque l’algorithme rentre un nouveau préfixe dans le dictionnaire, il émet sur sa sortie la paire (préfixe, symbole), où symbole est le dernier symbole rencontré et préfixe est le dernier préfixe rencontré avant le symbole.
Voici un exemple avec une source contenant la suite de symboles
ACATAPLASMATIC
.
Sortie : (0,A)(0,C)(1,T)(1,P)(0,L)(1,S)(0,M)(3,I)(2,\0)
Dictionnaire :
A : 1
C : 2
AT : 3
AP : 4
L : 5
AS : 6
M : 7
ATI : 8
Dans l’exemple, on commence avec le préfixe vide, de code 0. Le premier symbole A n’est pas dans le dictionnaire il est donc rentré avec le premier code disponible (1), et la paire (0,A) est écrite en sortie.
Ensuite l’algorithme redémarre du préfixe vide et continue parcourir la source comme auparavant.
La troisième itération est intéressante : ayant déjà inséré le préfixe A dans le dictionnaire, on continue jusqu’à trouver la suite AT avant de rentrer un nouveau préfixe dans le dictionnaire. Le symbole de sortie correspondant sera le code 1 pour le préfixe A, suivi du nouveau symbole T.
L’algorithme s’arrête lorsqu’il atteint la fin du flux et renvoie le flux de sortie. Il y a un problème potentiel sur la dernière itération : l’algorithme peut se trouver sur un préfixe déjà connu, autre que le préfixe vide. C’est le cas dans notre exemple : on termine sur le préfixe C, qui est déjà dans le dictionnaire, avant qu’on ait pu écrire le symbole correspondant sur la sortie. On a deux solutions:
-
On utilise un symbole spécial pour marquer la fin du flux. Par exemple, pour l’encodage d’un fichier ASCII cela pourrait être le symbole
\0
(code ASCII0x00
), qui sert exactement de terminateur de chaîne de caractères. Remarquez que ceci n’est pas applicable à tout format de fichier. C’est le choix que nous avons pris dans l’exemple. -
On termine le flux de sortie par un préfixe sans symbole. Cette technique peut s’appliquer toujours, mais l’algorithme de décodage devra tenir compte de cela. C’est le choix que nous prenons plus bas dans le pseudo-code.
Encodage à longueur variable et endiannes
Il reste un détail : comment encoder le flux de sortie en une suite de bits ? Plus précisément, comment encoder les préfixes et comment encoder les symboles ?
Puisqu’on va être amenés à écrire des entiers dans un flux de bits, il faut d’abord adopter une convention sur l’écriture de ces entiers. Nous allons utiliser l’ordre big endian, c’est à dire l’écriture usuelle des entiers, qui commence par les bits de poids fort (les plus hautes puissances de la base).
Dans notre exemple, les symboles A, B, etc., ont pour code ASCII 65, 66, etc. Leur écriture sur des blocs de 8 bits sera donc
A | 01000001 |
B | 01000010 |
… |
les bits étant insérés dans le flux de gauche à droite. Voir aussi la page Endianness.
Concernant les codes de préfixe, il faut savoir sur combien de bits on va écrire leur encodage. Si on avait une borne sur la taille maximale du dictionnaire, on pourrait allouer suffisamment de bits pour représenter le plus grand des codes. On peut faire mieux : à l’étape on sait qu’on ne peut pas rencontrer un code de préfixe plus grand que , il suffit donc d’encoder les codes de préfixe sur bits. L’espace nécessaire à écrire ces codes va grandir au fur et à mesure qu’on écrit le flux de sortie : le premier code (il s’agit nécessairement du code 0) va être écrit sur 0 bits, le deuxième sur 1 bit, le troisième et le quatrième sur 2 bits, du cinquième au huitième sur 3 bits, et ainsi de suite.
Pour reprendre notre exemple, voici le flux de sorite.
(0,A)(0,C)(1,T)(1,P)(0,L)(1,S)(0,M)(3,I)(2,\0)
On commence par écrire les préfixes en binaire sur bits.
(,A)(0,C)(01,T)(01,P)(000,L)(001,S)(000,M)(011,I)(0010,\0)
Enfin, on écrit les symboles avec le même codage qu’en entrée. Cela donne le flux de bits suivant (les points ont été ajoutés pour faciliter la lecture).
01000001.001000011.0101010100.0101010000.00001001100.00101010011.00001001101.01101001001.001000000000
Pour vous aider à vérifier votre code, voici un fichier contenant le flux ci-dessus. On remarque que dans cet exemple, le code compressé occupe 12 octets (plus exactement, 93 bits), alors que la source en occupait 14.
Une autre aide précieuse pourra vous être fournie par les outils de
lecture de fichiers binaires. Sous Linux et MacOS, utilisez la
commande hd
. Sous Windows vous pouvez installer
Hexdump.
Pour résumer, voici le pseudo-code de l’algorithme de compression (attention, comme dit plus haut, ce pseudocode ne produit pas exactement le flux de l’exemple, car il traite différemment la fin du flux d’entrée).
dict ← { ε : 0 }
comp ← 0
préf ← ε
pour tout symbole σ de la source:
si ε.σ dans dict:
préf ← ε.σ
sinon:
si comp > 0:
écrire dict[préf] sur ⎣log₂ comp⎦ + 1 bits
écrire σ sur 8 bits
comp ← comp + 1
dict[ε.σ] ← comp
préf ← ε
si préfixe ≠ ε:
écrire dict[préf] sur ⎣log₂ comp⎦ + 1 bits
Décompression
L’algorithme de décompression LZ78 lit un flux compressé, une paire (préfixe, symbole) à la fois. À chaque étape, un dictionnaire qui associe des codes de préfixes à des suites de symboles de l’alphabet source est mis à jour.
Au début, le dictionnaire contient la seule association
0 : ε
Sortie : ACATAPLASMATIC
Dictionnaire :
1 : A
2 : C
3 : AT
4 : AP
5 : L
6 : AS
7 : M
8 : ATI
Lorsque l’algo lit une paire (préfixe, symbole), il écrit sur sa sortie le préfixe, suivi du symbole, puis augmente le dictionnaire avec un nouveau code, correspondant à la concaténation du préfixe et du symbole.
Voici le même exemple qu’auparavant, traité par l’algorithme de décompression.
On remarquera que le dictionnaire ainsi construit est exactement l’inverse du dictionnaire construit par l’algorithme de compression.
Pour résumer, voici le pseudo-code de l’algorithme de décompression.
dict ← { 0 : ε }
comp ← 0
répéter:
si comp > 0:
préf ← lire ⎣log₂ comp⎦ + 1 bits du flux d'entrée
sinon
préf ← 0
π ← dict[préf]
écrire π
s'il reste assez de bits dans le flux:
σ ← lire 8 bits du flux d'entrée
écrire σ
comp ← comp + 1
dict[comp] ← π.σ
sinon
σ ← ε
sortir
À vos javac
Votre but est d’implanter en Java l’algorithme LZ78. Plus précisément, vous devez :
-
Implanter l’algorithme de compression LZ78. Pour réaliser le dictionnaire, vous pouvez vous servir, par exemple, d’une table de hachage :
java.util.HashMap
. -
Implanter l’algorithme de décompression LZ78 en Java. Cette fois-ci, une simple liste (par exemple java.util.Vector) peut suffire à représenter le dictionnaire.
-
Résoudre le challenge à l’adresse http://it-katas.defeo.lu/katas/lz78.
Soumettez votre code source, ainsi que le texte décompressé, dans la boîte de dépôt sur e-campus 2, ou par mail à votre enseignant. Vous avez jusqu’au 10 mars à 4h du matin pour soumettre votre travail. Un point de pénalité pour chaque heure de retard : le 10 mars à 23h59 c’est votre dernière chance !
Pour aller plus loin
Voici des améliorations que vous pouvez apporter à votre implantation pour gagner des points.
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Dans l’algorithme d’encodage il y a plus efficace que de stocker le dictionnaire dans une table de hachage. En effet, les préfixes peuvent étre stockés dans une structure d’arbre, ce qui permet de rendre le recherches plus rapides. Le dictionnaire de l’exemple, serait alors représenté par l’arbre suivant.
Implantez votre dictionnaire avec une structure d’arbre comme celle-ci.
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L’algorithme LZ78 n’est pas limité à opérer sur les octets : il peut opérer sur des blocs de n’importe quelle taille. Modifiez votre algorithme pour que la taille des blocs d’entrée soit configurable.
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Permettre au dictionnaire de grandir de façon incontrôlée pose un problème avec des fichiers trop grands. Modifiez votre algorithme pour qu’il ait une borne sur le nombre maximal d’entrées dans le dictionnaire.